La CNV en habitat groupé · Articles & interviews
Au départ, en 2005, c’était le rêve de deux familles d’une maison « écolo » sur un terrain partagé. C’est aujourd’hui « Les Colibres », un habitat groupé écologique multigénérationnel. A Forcalquier, dans les Alpes de Haute Provence, 25 personnes de 4 à 82 ans habitent 11 logements répartis en 2 bâtiments de 800 mètres carrés. La Communication NonViolente s’est retrouvée comme la pierre angulaire de cette construction et l’irrigue sans cesse.
«J’avais déjà commencé à me former en Communication NonViolente en 2001 à raison de 2 à 3 jours par an jusqu’en 2007 où j’ai eu le déclic de me former de façon plus intense pour devenir formatrice certifiée du CNVC. Un autre membre s’était formé aux 6 jours de base. A cela, s’est ajoutée une formation de deux jours à la prise de décision par consentement, proposée par la sociocratie, fondamentale dans un collectif qui se crée» explique Estelle Bessin.
Une charte, comme socle de partenariat
La rédaction d’une charte commune a marqué le début de l’aventure. Elle décrit les valeurs, la philosophie, les pratiques … Ainsi l’intégration de nouvelles familles dans le projet repose sur l’adhésion avec la raison d’être des Colibres. «Nous privilégions le dialogue pour que chacun se sente à l’aise et en phase avec la vision, et aussi des rencontres pour des échanges plus techniques, comme des temps d’apprivoisement mutuel, des soirées conte, des week-ends ludiques, des balades» poursuit Estelle.
Et si les élus municipaux ont soutenu le projet tout au long des avancées juridiques et architecturales, c’est bien parce qu’ils avaient confiance dans la capacité du groupe à vivre des relations humaines de façon optimale. «Tout au long de la phase de montage du projet, la Communication NonViolente nous a aidé à traverser les tensions qui résultaient de la confrontation entre les rêves de chacun, les contraintes architecturales et budgétaires : en clarifiant les propos pour bien comprendre, en adoptant un rythme compatible à la fois avec l’écoute réciproque et la réalité de l’avancée des travaux…»
Au fil du vivant
Les séances de travail hebdomadaires du collectif sont inspirées par la CNV avec un temps pour déposer ce qui peut empêcher d’être pleinement disponible et un temps de célébration pour partager ce qui met en joie, afin d’insuffler de l’énergie au groupe. Le collectif a également adopté dans son fonctionnement la «prise de décision par consentement» qui est une méthode équitable et participative. Maillée avec la CNV, elle permet – lors des tours de réactions – d’exprimer et de comprendre ce qui se joue d’essentiel pour chacun. «L’un des membres du groupe voulait une rampe d’accès à son logement au 1er étage et il n’en était pas question pour les autres. En prenant le temps d’approfondir ce qui était vraiment en jeu, le groupe a pris conscience que le premier voulait exprimer sa solidarité en recevant l’un de ses amis à mobilité réduite et que les autres aspiraient à l’harmonie des lieux que le modèle envisagé impactait fortement» précise Estelle. «Finalement, une commission a été créée pour trouver un moyen d’accès à l’étage en fauteuil sans ascenseur qui préserve les volumes et les vues lointaines et a dégoté le système ad-hoc : un monte-escalier».
Prendre soin les uns des autres
Les frictions font partie de la vie dans un groupe : ce sont un indicateur d’intensité ! Pour anticiper ces mouvements, un système restauratif a été mis en place aux Colibres pour accueillir et dépasser les conflits. Il permet à chaque membre de prendre la mesure de l’impact en comprenant en profondeur ce qui a motivé chacun à agir comme il a agi. Le résultat est la co-construction d’un nouveau fonctionnement relationnel enrichi de cette expérience. «Nous nous sommes réunis en cercle restauratif deux fois en 2017 et 2 fois en 2020 à la demande d’un membre qui vivait un malaise ou une tension avec le groupe. Cela a été au service de davantage de profondeur dans nos relations et d’enrichissement collectif» témoigne Estelle.
Au quotidien, c’est un groupe motivé et qui avance dans le «prendre soin». Chacun est présent aux autres avec ses outils : de l’écoute, un coup de main, du soutien mutuel. «Sur notre groupe WhatsApp, nous échangeons 10 à 20 messages par jour pour localiser les enfants ou un outil, distribuer les œufs d’une voisine, emprunter une voiture, confier ses plantes quelques jours, affiner l’heure d’un chantier collectif ou d’un goûter» précise Estelle. Bien sûr, il y a des tâtonnements, des apprentissages que le collectif fait ensemble, en accompagnant les hauts et les bas des mouvements de la vie. «Ici, je reconnais l’élan de tous à faire autrement. Sur le plan écologique et social, les Colibres est une réussite. Nous apprenons sans cesse. Nous grandissons ensemble.»